Cosmétiques et produits de beauté : la révolution digitale est en marche

Cosmétiques et produits de beauté : la révolution digitale est en marche

Comme pour de nombreux autres secteurs d’activité, le numérique incite les professionnels du secteur des cosmétiques et de la beauté à sortir de leur zone de confort pour répondre aux nouvelles attentes d’un marché en plein bouleversement. Panorama.

Désintermédiation de la filière : le poids des bloggeuses et des youtubeuses

Avec la révolution digitale, les marques des secteurs des cosmétiques et de la beauté ont perdu le monopole de la parole sur leurs produits, en faveur de « consom’acteurs » avisés et influents, particulièrement actifs en ligne.

Ces influenceurs, qui sont très majoritairement des influenceuses, communiquent via des blogs spécialisés ou des vidéos sur youtube sur les produits traditionnellement mis en avant par les enseignes (vernis, shampoing, rouge à lèvre, crèmes hydratantes…) mais occupent également de nouveaux segments sur lesquels les marques ne se sont que peu aventurées (produits d’hygiène intime par exemple) ; par ailleurs, une attention toute particulière est apportée à la liste des ingrédients entrant dans la fabrication d’un produit, soulignant de fortes attentes en matière de prévention et de santé, venant challenger directement les marques sur le terrain de la responsabilité sociétale.

Ce n’est pas seulement l’étendue du périmètre couvert qui est important. Quelques chiffres révèlent en effet également l’ampleur du phénomène en termes de volume (source) :

  • 700 millions de vidéos vues par mois sur youtube concernant le thème de la beauté (c’est le 3ème secteur, toutes catégories confondues)
  • En ligne, 91% des discussions relatives aux produits de beauté se déroulent sur les réseaux sociaux
  • Certains blogs spécialisés revendiquent 1 million de visiteurs par mois (ex. babillages.net)

Les bloggeuses et « youtubeuses » s’intercalent en fait entre le consommateur final et la marque : elles viennent concurrencer le branding traditionnel top-down, se substituent aux recommandations des conseillers de vente en boutique et favorisent le développement de transmissions horizontales, d’égales à égales autour des produits de beauté, en opposition à l’ancien schéma Marque -> Conseillère de vente -> Mère -> Fille.

Transformation digitale et croissance organique

En partie en réaction à ce phénomène, les marques cherchent à reprendre la main à travers diverses initiatives digitales replaçant le consommateur au cœur des enjeux, tout en développant la collaboration avec les influenceuses dans un esprit de transparence.

Cette approche collaborative et ouverte, tout à fait naturelle pour les pure players du secteur qui jouent nativement avec les nouveaux codes (Pop my day, Selectionnist, Lucette, Birchbox…), n’est pourtant pas évidente pour des acteurs traditionnels, centrés avant tout sur le produit et habituées à des schémas de communication descendants.

Lorsque ces derniers tentent de collaborer avec les influenceuses, sur le principe du sponsoring par exemple (produits offerts ou rémunération en échange d’une critique), on constate une persistance des anciens schémas de subordination qui existent entre donneur d’ordre et prestataire ; bien qu’il soit obligatoire de mentionner le sponsoring de la marque, certaines d’entre elles réclament ainsi la suppression de cette mention du billet de blog ou de la vidéo malgré le caractère illégal de la démarche. D’autres encore tentent de dicter les commentaires de la blogueuse / youtubeuse, ou bien proposent des rémunérations en inadéquation avec le travail demandé.

Cette méconnaissance des influenceuses par les enseignes établies traduit aussi une méconnaissance de la consommatrice finale alors que l’on assiste, dans le même temps, à l’émergence d’un nouveau segment de clientèle possédant des attentes middle market, aujourd’hui non couvertes, à la croisée de la mode et de la beauté.

En effet, le parcours d’achat de la fashionista est actuellement en train de se confondre avec celui des produits de beauté, sur le principe de la pratique du mix & match (assortiment pointu de produits participant de la construction d‘une identité singulière) pour donner naissance à une nouvelle catégorie de consommatrice : la « beautysta ».

L’émergence d’un tel segment de marché, à la frontière de deux secteurs d’activité en forte croissance, révèle un potentiel de développement très important à l’intensité concurrentielle élevé et, plus largement, la convergence des enjeux : mieux comprendre la révolution digitale en marche et s’y adapter c’est directement se positionner sur les marchés d’avenir.

Data et connaissance client

Selon que l’enseigne possède, ou non, son propre réseau de distribution, les initiatives et les projets digitaux qu’elle engage varient. Toutes possèdent néanmoins un dénominateur commun : la réflexion autour de la connaissance client à travers l’analyse de plus en plus massive et transversale des données.

Pour la marque qui se distribue elle-même par le biais de son propre réseau de boutiques, les stratégies de capture de la parole reposent avant tout sur le suivi du client tout au long de son parcours d’achat, en ligne et hors ligne, avant, pendant et après son passage en boutique.

Pour les marques qui ne possèdent pas de boutique en propre, les solutions peuvent apparaître moins évidentes, mais la maîtrise des données clients est primordiale pour redevenir légitime car, c’est l’exploitation de ces données qui permettra de donner naissance à des services innovants en résonnance avec les nouvelles attentes. De ce point de vue les grandes enseignes ont intérêt à trouver des solutions pour se rapprocher de leurs clients.

La connaissance client et l’interaction continue avec ce dernier est en fait le seul véritable moyen par lequel l’enseigne peut prétendre reprendre l’initiative autour des produits dans l’écosystème numérique actuel. Mais cela doit se faire avec élégance, respect et transparence sous peine d’être durement sanctionné faute d’avoir délivré une vraie valeur ajoutée.

Dans cette catégorie, nous pouvons citer les expériences effectuées récemment par L’Oréal autour de plateformes CRM et e-commerce (mydermacenter.com) et de gestion de données (DMP – Data Management Platform). Ce type de projets, en matière de e-commerce notamment, implique parfois d’imaginer de nouveaux modèles économiques.

Le magasin connecté, poste avancé de la transformation digitale

Dans ce contexte, les concepts de « magasin connecté » et l’intégration des réseaux de distribution au travers d’une vision multicanale doivent également être approfondis. Le développement de ce type de projet implique notamment la possession d’un outil de CRM, d’un référentiel client unique et le traitement des données mobiles (smartphone) pour interagir avec le client présent en boutique en temps réel.

Pour garder l’initiative et continuer à être innovantes, les grandes marques de cosmétiques et de produits de beauté seront amenées, à court terme, à développer de nouveaux projets à la croisée de l’IT, du commerce, du marketing et du digital. Ces projets devront répondre aux attentes des nouveaux consommateurs en termes de renouvellement des usages mais devront aussi être conçus pour capturer des segments de marché émergents.

Jeremy Hornung

Imprimer cet article
Suivez nous sur LinkedIn